Une nouvelle invention défraie la chronique depuis deux ans, depuis qu’elle a été expérimentée une première fois à grande échelle au Brésil. Pays où la dengue bat chaque année des records (plus d’1 million de cas en 2014). L’introduction dans l’environnement naturel d’espèces de moustiques mâles génétiquement modifiés. Ceux-ci, quand ils s’accouplent aux femelles, transmettent une maladie génétique aux œufs, qui condamnent ces derniers à la mort, avant même de devenir adultes.
“Maladie génétique”, “organismes génétiquement modifiés”, il en faut moins pour mobiliser les associations environnementalistes qui s’inquiètent de manière logique : a t-on fait tous les tests nécessaires pour s’assurer que ces “insectes mutants” ne risquent pas de se transmettre ailleurs, plus loin dans l’environnement, voir sur l’être humain ? Ces inquiétudes sont d’autant plus légitimes qu’aucun groupe d’experts indépendants n’a pu évaluer les résultats des recherches effectuées par la société Oxitec qui les commercialise.
Après le Brésil, la Floride
Au Brésil, 2015 sera la 3ème saison d’application de la méthode : Oxitec affirme avoir eu 90% d’efficacité sur les zones infestées traitées. Et les expériences sont menées chaque année à plus grande échelle.
La Floride envisage, elle aussi, de démarrer une phase de test, malgré l’opposition exprimée par des pétitions ayant réuni près de 150 000 signatures. L’Etat Américain a connu 1 cas de dengue autochtone en 2014, et estime la menace suffisante pour chercher à élargir les méthodes de lutte contre les moustiques. En effet, si les solutions d’Oxitec sont efficaces, elles pourraient s’appliquer dans des zones stratégiques (zones d’habitat près de l’eau) et permettre, si ce n’est une éradication complète, au moins une baisse de la consommation d’insecticides plus ou moins chimiques…
D’autant plus que la communauté scientifique, à l’image d’Anna-Bella Failloux en France, entomologiste à l’Institut Pasteur, reconnait que les moustiques ont une grande capacité d’adaptation et développent des résistances aux insectes actuels. De son côté, l’Entente Interdépartementale de Démoustication des départements Méditerranéens se plaignait en mars dernier du peu de choix qu’ils avaient dans la liste des insecticides autorisés et demandait à pouvoir élargir le spectre.
Les moustiques génétiquement modifiés bientôt en France ?
Ce n’est pas encore d’actualité, pour les raisons évoquées ci-dessus : pas assez de garanties sur l’impact de ces introductions sur l’environnement, nous rappelle Madame Failloux de l’Institut Pasteur. Mais celle-ci reconnait aussi qu’au vu du problème posé et de l’absence de solutions suffisamment efficaces, aucune piste de recherche ne doit être écartée.
D’autant plus que l’introduction dans la nature d’insectes stérilisés n’est pas nouvelle, puisqu’elle fut appliquée avec succès aux lucilies bouchères mâles dans les années 50, dans ce même état de Floride. Il est vrai que la stérilisation s’était faite par irradiation… et non par modification génétique de l’espèce.
La Floride est toujours en pointe dans ces combats contre les moustiques. Depuis 2013, elle teste aussi l’usage de drônes pour détecter des zones de ponte en eaux peu profondes afin de prévenir de potentielles proliférations.
En attendant des résultats probants, la meilleure solution pour se protéger est encore la protection individuelle, avec des lotions fabriquées à partir de principes actifs reconnus efficaces et recommandés officiellement par l’OMS et les normes européennes (icaridine, IR3535…).