Chikungunya dans le monde : le point au 21 août 2014

Depuis fin novembre 2013, date de l’apparition des premiers cas dans l’île de Saint Martin, une épidémie de chikungunya sévit actuellement aux Antilles, et s’étend à tout le continent américain. C’est un cas sans précédent, puisque ce continent n’avait jamais été touché par ce virus, venu très probablement d’Asie du Sud-Est via un voyageur.

Historique : premiers cas à Saint Martin

Deux cas autochtones ont été confirmés dans l’île de Saint Martin le 6 décembre 2013.
Ces résultats ont conduit les autorités sanitaires à déclarer un début d’épidémie à Saint Martin et à activer la phase 3 du Psage chikungunya (Programme de Surveillance, d’Alerte et de Gestion d’Emergence du chikungunya) le jour même.

Propagation de l’épidémie aux îles voisines et aux pays d’Amérique

Le virus s’est depuis propagé d’abord aux îles voisines de Martinique, Guadeloupe, Saint Barthélémy ainsi qu’en Guyane française, puis au continent américain, avec une circulation plus ou moins importante en fonction des régions.

– Saint Martin : phase épidémique le 6 décembre 2013. Situation de transmission modérée le 30 avril 2014.
– Martinique : premiers cas confirmés le 18 décembre 2013. Situation épidémique le 23 janvier 2014.
– Guadeloupe : premier cas autochtone confirmé le 24 décembre 2013. Situation épidémique le 10 avril 2014.
– Guyane : situation de circulation autochtone modérée après la découverte d’un foyer de transmission à Kourou le 19 février 2014.
– Dans les Antilles non-françaises et dans les autre pays d’Amérique, le virus du chikungunya est présent dans la partie néerlandaise de Saint Martin. Il s’est ensuite progressivement et chronologiquement propagé et installé dans les îles vierges britanniques, à La Dominique, dans les îles d’Anguilla, de Saint Kitts-et-Nevis, de Sainte Lucie, à la République Dominicaine, dans les îles de Saint Vincent et les Grenadines, à Antigua et Barbuda, à Haiti, à Guyana, à Porto Rico, à Cuba, aux îles vierges américaines, au Suriname, au Venezuela, à La Grenade, à Aruba, à Trinité-et-Tobago, aux Etats-Unis, à La Barbade, aux îles Caïmans, au Panama et à Curaçao. Le chikungunya a également été identifié chez des touristes revenant des régions infectées des Caraïbes au Brésil, dans l’île néerlandaise de Bonaire, au Pérou, au Mexique, au Costa Rica, au Paraguay, aux Bahamas, au Nicaragua, en Bolivie, à la Jamaïque, en Colombie, au Canada et en Argentine.

La situation en France, en Europe et ailleurs dans le monde

Le risque d’importation du virus en Europe et en France en particulier est très élevé, compte-tenu des flux de circulation entre le continent et les Antilles.

– France : 250 cas ont été importés dans les zones à risque du Sud (voir article Cas importés de dengue et de chikungunya) où sévit l’Aedes albopictus (moustique tigre), vecteur de la maladie.
– Italie : premier cas importé en Toscane (Campaglia) le 7 mai 2014, chez un homme ayant séjourné en République Dominicaine.
– Espagne : premiers cas importés en Catalogne le 13 juin 2014 chez des femmes ayant séjourné aux Caraïbes.
– Grèce : 1 cas importé chez une personne ayant séjourné en République Dominicaine.
– Suisse : 15 cas importés recensés au 1er juillet 2014, en majorité en provenance des Caraïbes.
– Pays-Bas et Allemagne : cas importés chez des personnes ayant séjourné aux Antilles – Caraïbes.
– Tahiti : 1 cas importé chez une femme ayant séjourné en Guadeloupe en mai 2014.
– Iles Canaries : 3 cas importés en juillet 2014.
– La Réunion : premier “pays” de l’Océan Indien à déclarer des cas importés de chikungunya des Antilles en juillet 2014.

Derniers bulletins épidémiologiques

Voir Bulletin épidémiologique du 20 août

“Le pic est devant nous”

“Le pic épidémiologique est encore devant nous” confirme Harold Noël, épidémiologiste au département des maladies infectieuses de l’InVS. En effet, aux Caraïbes, la saison des pluies multiplie les points d’eau stagnante où les moustiques pondent leurs œufs, et le nombre de touristes présents (25 millions par an) est considérable.

Risque de propagation en Amérique

Sur ce continent, cela s’annonce comme un vrai problème de santé publique, précise Harold Noël dans une interview au Monde. La population n’ayant jamais connu le virus, elle n’est donc pas du tout immunisée. Et le vecteur potentiel est largement présent, notamment aux Etats-Unis : Aedes aegypti en Floride, Aedes albopictus dans le Nord, et notamment à New-York qui a déjà connu des cas autochtones de dengue il y quelques années).
L’Amérique centrale connait elle aussi ses premiers cas (Panama, Costa Rica, Salvador), ainsi que certains pays d’Amérique du Sud : Venezuela, Guyane…

Risque de propagation en métropole

Le risque de diffusion en métropole existe, mais le plan anti-dissémination du chikungunya et de la dengue est efficace, qui prévoit notamment :
– une information des populations qui partent dans les zones concernées par l’épidémie
– une information ciblée des professionnels de santé
– des demandes accélérées d’analyse devant des cas suspects
– des opérations de démoustication localisées autour des cas avérés
L’exemple de 2010 est une preuve de l’efficacité du dispositif : une petite fille qui revenait d’Inde à Fréjus (Var), avait le virus et l’a transmis à des moustiques qui ont à leur tour infecté deux personnes situées dans la même ville. La chaîne de transmission a été rompue grâce à la détection rapide de ces cas et aux mesures de démoustication conduites localement.
A contrario, on se souvient de l’épisode italien de 2007, où la chaîne de transmission du virus n’avait pas pu être rompue : celle-ci a généré plusieurs centaines de cas en quelques semaines.

En conclusion, l’épidémie de chikungunya aux Antilles françaises et dans les îles des Caraïbes connaît la même évolution que celle de 2006 à l’île de La Réunion et dans les îles de l’Océan Indien.
A partir de quelques cas solidement implantés dans la région, le virus se propage d’abord aux îles voisines et ensuite au reste de la planète par l’intermédiaire des déplacements de population.
La situation en 2014 est beaucoup plus préoccupante que celle de 2006 car un continent tout entier est sous la menace du virus.
Les autres pays de la planète où le moustique vecteur de la maladie est présent, sont aussi potentiellement menacés par une épidémie locale, compte-tenu des séjours touristiques.