En France, on parle beaucoup du moustique tigre (l’Aedes Albopictus) , vecteur de la dengue et du chikungunya. C’est logique, car là où il est implanté et actif, l’état déclare officiellement « que les moustiques constituent une menace pour la santé de la population » et met en œuvre chaque année, le plan anti-dissémination contre la dengue et le chikungunya.
Mais le problème sanitaire posé par les moustiques ne s’arrête pas là.
D’abord parce que l’on découvre de nouvelles espèces de moustiques capables de transmettre ces même virus comme le Stegomyia Pia (découvert à Mayotte l’année dernière), qui appartient au même groupe d’espèces invasives que le moustiques tigre ou l’Aedes Aegypti.
Ensuite, parce que plusieurs autres espèces, plusieurs autres virus menacent le territoire et devraient eux aussi faire l’actualité dans les prochaines années. Ces moustiques voyagent dans le monde en profitant en général des échanges croissants d’hommes et de marchandises que génèrent la mondialisation de l’économie, et s’adaptent aux conditions météo des zones tempérées, lesquelles risquent par ailleurs de leur être de plus en plus favorables avec le réchauffement climatique…
Le présent article fait un zoom sur certains signes qui illustrent cette tendance.
Pour autant, le rapport de l’ECDC (European Center for diseasePrevention and Control 2013) signale des cas autochtones de paludisme en Espagne, Belgique et Grèce en 2010, et même une explosion de cette maladie en Grèce en 2011…
Le West Nile Virus : déjà endémique en Europe, il n’a fait qu’effleurer la France (7 cas humains en 2003) jusqu’à présent.
Le West Nile Virus est déjà endémique en Europe. Parti d’Ouganda où il fut identifié pour la première fois en 1937, le West Nile Virus s’est fait connaître en Europe dans les années 60, pour devenir endémique ces dernières années sur le pourtour méditerranéen et en Europe Centrale jusqu’en Grèce ou en Italie du Sud qui ont connu des formes neurologiques graves et parfois mortelles à partir de 2010. Son aire de répartition en Europe est en progression, et les espèces de moustiques qui en sont vecteurs sont nombreuses, voire très communes comme le Culex Pipiens.
Il a par ailleurs été observé sur tous les continents, en particulier en Amérique, où les Etats-Unis ont connu la plus grosse épidémie jamais enregistrée, avec un nouveau pic en 2012 (4500 cas enregistrés, 183 décès). (cf article « le west Nile Virus »)
Un nouveau venu : le virus Zika
Le virus Zika connaît actuellement une épidémie majeure en Polynésie Française (26.000 patients ont consulté pour Zika depuis le 30 Octobre 2013) et une explosion dans la zone Pacifique, sur 4 territoires : Polynésie Française, Ile de la Réunion, Iles Cook, Ile de Pâques.
L’INVS (Institut national de veille Sanitaire) rapporte qu’il a été identifié la première fois sur l’homme en Ouganda et en Tanzanie en 1952, et qu’il est déclaré « émergent » depuis 2007, année de la première épidémie connue sur les iles Yap (Micronésie).
Les symptômes en sont assez proches de ceux de la dengue : période d’incubation de 3 à 12 jours, arthralgies, œdèmes des extrémités, fièvres, céphalées, douleur rétro-orbitaires, conjonctivite et éruption maculo-papulaire, vertiges, myalgies, troubles digestifs.
Pour la première fois, ont été observées dans cette épidémie des formes sévères à type de manifestations neurologiques graves, essentiellement des syndromes de Guillain-Barré (n=53) et des complications auto-immunes (7 patients), sanssavoir si celles-ci sont dues à Zika seul, sachant que les territoires concernés connaissent aussi une épidémie de dengue concomitante.
Les échanges soutenus qu’a la France avec deux de ces territoires ont incité les autorités sanitaires à appeler à la plus grande vigilance (Bulletin Hebdomadaire International de l’INVS du 15 au 21 janvier 2014), en particulier dans les pays (dont la France) où les moustiques vecteurs (famille des Aedes) sont présents.
L’AedesJaponicus : un nouveau venu en France, sans doute vecteur de la fièvre de la Vallée du Rift, l’encéphalite japonaise, l’encéphalite équine de l’Est, le virus de La Crosse, l’encéphalite de Saint-Louis ….
L’AedesJaponicus (le cousin des forêts de l’AedesAlbopictus qui vit plutôt en milieu urbain) est donc susceptible de nous transmettre tous ces virus (en plus de la dengue pour lequel il a de bonnes aptitudes et du chikungunya dans une moindre mesure), si l’on en croit la plupart des études récentes menées dans le monde, et en particulier aux Etats Unis que ce moustique a colonisé en partie (22 états). Il a été découvert récemment en métropole en Alsace (sur une grande partie de la commune de Hésingue-Haut Rhin), alors qu’il s’était jusqu’à alors « cantonné » à la Suisse, la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche et la Slovénie.
Si ces capacités vectorielles n’ont pas été suffisamment étudiées pour être certaines, les conclusions d’un rapport du CNEV actualisé en Septembre 2013 lui donnent des caractéristiques invasives et une bonne capacité d’adaptation y compris à des gites anthropiques. Il pique volontiers les humains (anthropophile) et serait doté d’une bonne longévité (76.9 jours en moyenne contre 37 pour l’AedesAlbopictus). Il n’a pas encore été jugé comme une priorité de santé publique au même titre que le moustique tigre, mais le rapport le classifie pour le moment dans les espèces « nuisantes » et préconise une vigilance particulière.
Source : Aedesjaponicus : quel risque pour la France métropolitaine – Didier Fontenille (IRD-CNEV), Frédéric Jourdain (CNEV) et Yvon Perrin (CNEV). Actualisée au 18 septembre 2013.
Fièvre de la vallée du Rift : kesako ?
Selon Monsieur V. Chevalier, de l’UPR Animal et Gestion Intégrée des Risques (AGIRs), CIRAD, Montpellier, France, la fièvre de la vallée du Rift doit être considérée comme l’une des plus importantes zoonoses virales en Afrique. « C’est aussi un agent bioterroriste potentiel. Transmis par les moustiques ou bien directement par des produits virémiques. La FVR peut affecter autant le bétail que les humains, causant des vagues d’avortements massifs chez les ruminants ou bien des morts subites chez les nouveaux nés. La maladie provoque des syndromes grippaux dans la plupart des cas humains, mais aussi de sévères encéphalites ou hémorragies, et même la mort. Il n’y a ni traitement ni vaccin pour l’être humain. La FVR fut longtemps confinée au continent Africain, mais elle s’est récemment étendue à la Péninsule Arabique et à l’Océan Indien. Le transport d’animaux, légal ou illégal, a fortement contribué à cette propagation virale, qui menace le bassin méditerranéen et l’Europe, où les vecteurs compétents sont déjà bien présents. Considérant le caractère imprévisible de l’introduction du virus et le manque de connaissance sur l’épidémiologie de cette maladie, il y a un besoin urgent de remplir ce manque en développant des programmes de recherche à l’échelle régionale, afin de construire des modèles prédictifs, d’implémenter des systèmes d’alerte anticipatifs de veille adaptés à l’Afrique du Nord et l’Europe… »
Se préparer à vivre avec les moustiques potentiellement dangereux en Europe
C’est donc dans ce cadre que L’Union Européennea créé de 2004 à 2010 un programme de recherche intitulé EDEN (EmergingDiseases in a ChangingEuropeanEnvironment) visant à donner aux pays d’Europe des méthodes utilisables par les agences de santé pour développer des outils de surveillance, d’alerte précoce et d’aide à la décision pour la prévention et le contrôle des maladies à transmission vectorielle. Celui-ci a été prolongé par un 2ème programme intitulé Edenext (2011-2014), centré sur la biologie et le contrôle des infections portées par les insectes, les tiques ou les rongeurs en Europe. Ce programme qui réunit 46 partenaires, dont le Cirad pour la France, devrait communiquer ses résultats cette année.
De son côté, le CNEV préconise de surveiller attentivement en plus de l’AedesJaponicus, « d’autres espèces susceptibles d’être introduites en France : OchlerotatusKoreicus, Oc.Atropalpus, Oc. Triseriatus, Culex Vishnui… »
Un enseignement peut d’ores et déjà être tiré : les Français vont devoir apprendre à vivre avec des moustiques nuisant et potentiellement dangereux de plus en plus nombreux sur le territoire de Métropole.